Practice et la créativité : Thibault

— 4 questions à Thibault Desaules, danseur et transmetteur

Thibault se forme à Codarts Rotterdam – University of the Arts de 2010 à 2014. Lors de sa dernière année de formation, il rejoint la compagnie Introdans Ensemble for Youth. Il intègre la compagnie ICKAmsterdam au Pays-Bas, puis la création de Extremalism par Emio Greco et Pieter C. Scholten avec le Ballet National de Marseille. Il danse pour le Korzo Theater à La Haye avant de rejoindre la compagnie du CCNR/Yuval Pick de 2017 à 2021. En freelance, Thibault continue sa collaboration avec le CCNR comme interprète et transmetteur de Practice. Aujourd’hui, il co-dirige avec Zoé Lecorgne la Compagnie Vigousses.

1. Le danseur-interprète doit-il nécessairement être créatif ? N’est-ce pas plutôt le rôle du chorégraphe ?

Je pense qu’il est important d’être créatif pour un interprète, car il amène ainsi une couche supplémentaire à l’idée du chorégraphe. Ce dernier va davantage travailler sur la dramaturgie ou la construction du spectacle. L’interprète, lui, peut improviser ou créer des choses par lui-même, ce qui vient compléter la « boîte à outils » de la chorégraphie.

2. De quelle manière la méthode Practice mobilise-t-elle la créativité des interprètes ? Par le biais de quels exercices ?

La méthode Practice amène justement l’interprète à être créatif, puisqu’elle favorise l’ouverture de l’imaginaire et l’improvisation. Lors de cours ou de workshops, on creuse les éléments fondamentaux, les bases de la méthode, tels que la rotation ou le transfert de poids, et grâce à l’improvisation, on les questionne : est-ce que je peux le faire différemment ? La notion de lâcher prise, présente dans la méthode, permet de faire « exploser » nos sensations. Même si les exercices de Practice sont écrits, codifiés, ils libèrent l’imaginaire et permettent aux danseur.euse.s de rester toujours éveillé.e.s et créatif.ve.s.

Thibault Desaules © Sébastien Erôme (2018)
Thibault Desaules © Sébastien Erôme (2018)
3. Pourquoi Practice permet-elle aux danseur.euse.s de développer leur expressivité ?

L’expressivité vient avec les notions de présence et de « conscientisation » du corps : pourquoi fait-on ces mouvements ? Comment les fait-on ? Même s’il y a les concepts de lâcher prise et la volonté de creuser à l’intérieur de soi constamment, ils viennent « remplir » le corps. Practice est une méthode complète qui offre un corps « plein ». L’expressivité du corps s’acquiert avec des exercices précis sur le regard, le toucher, la « conscientisation » des actions…

Quand je transmets Practice, j’essaye d’aller contre les habitudes des danseur.euse.s, de les pousser à faire ce qu’iels n’ont pas l’habitude de faire. Je mise beaucoup sur la notion de lâcher prise : il faut y aller et essayer. Tout est possible ! Il faut sortir du cadre, penser en dehors de la boîte. La danse se passe entre quatre murs. Alors, si je ne crée rien, il ne passe rien. Dans un cours comme sur scène, je dois rester vivant, laisser advenir une aura créative ou un imaginaire éveillé.

4. Peut-on vraiment apprendre à être créatif ? La créativité n’est-elle pas innée ?

Tout le monde a de la créativité en soi, même si ce n’est pas quelque chose que l’on cultive suffisamment aujourd’hui. La créativité n’est pas valorisée dans nos sociétés. Or, chacun.e peut apprendre à être créatif.ve ou l’est déjà. C’est du travail. Ça se cultive. À travers Practice ou d’autres méthodes, la créativité permet de prendre conscience de son propre corps, de rentrer encore plus en soi-même pour faire sortir des choses à l’extérieur. Je ne sais pas si la créativité est innée. Je sais qu’elle est spontanée à l’image d’un enfant créatif. Il faut être curieux et rester curieux.